Les rumeurs autour d’une dissolution du gouvernement Medvedev troublent l'espace politique depuis des mois, écrit le quotidien Moskovskaïa Pravda du 27 mai 2013.
Ce n’est pas étonnant : dans un contexte de crise économique mondiale la verticale du pouvoir russe est incapable de lutter contre le risque de stagnation économique. Les politologues et les économistes parlent d'un successeur éventuel non seulement au poste de premier ministre, mais également à celui de président. Plusieurs experts estiment que le magnat pétrolier Igor Setchine, éminence grise au service de l'Etat, pourrait être le futur président. L'Occident a également reconnu son potentiel de leader.
Igor Setchine est le seul homme politique et chef d'entreprise russe à faire partie du classement des 100 personnes les plus influentes du monde dans la revue Time (pour le rachat de TNK-BP par Rosneft, pour la signature d'un grand contrat pour la vente du pétrole à la Chine pendant 25 ans et pour le taux élevé d'application de ses propres décisions en dépit de l'absence d'un poste au Kremlin). Vladimir Poutine ne figure pas dans ce classement, tandis qu'on y retrouve son homologue de la Maison blanche, Barack Obama, ainsi que plusieurs chefs d'Etat européens.
Igor Setchine, habitué à rester dans l’ombre, est aujourd'hui un chef d'entreprise éminent et productif qui apparaît souvent à la télévision et dans la presse russe et occidentale. En son temps, le président Vladimir Poutine avait également commencé ses premières campagnes électorales par une propagande intensive faisant de lui un homme politique charismatique et puissant, capable de "régler les problèmes" du pays.
D'autres "successeurs potentiels" comme Sergueï Ivanov et Viatcheslav Volodine interviennent plus rarement à la télévision et ne sont pas perçus par l'électorat comme des leaders nationaux. Les nombreux opposants et les rares partisans de Setchine le connaissent comme un dirigeant rigide, un opposant à la privatisation et un maître de l'approche souple. Pendant les années où il se trouvait derrière l'épaule de Poutine, beaucoup de figures politiques ont été sous sa supervision mais certainement aucun d'entre eux ne pourrait être considéré comme son ami.
Lorsque Vladimir Poutine était premier ministre, Igor Setchine était vice-premier ministre chargé de l'énergie – poste occupé aujourd'hui par Arkadi Dvorkovitch, protégé de Medvedev. Ces deux hommes ne cachent pas leur aversion mutuelle et envoient constamment des lettres à Poutine pour critiquer leurs initiatives respectives. Ils s'attaquent également dans la presse et dans les couloirs du Kremlin. Ils auraient pu rester dans le cadre public et médiatique mais cela ne fait pas partie des "méthodes d'Ivan le Terrible" - comme Setchine a été qualifié par le journaliste allemand Eduard Steiner de Die Presse.
Il préfère couper l'herbe sous les pieds de ses concurrents. Autrement dit, en s'attaquant à l'influence de Dvorkovitch, Setchine pourrait en fait viser directement son patron – le premier ministre Dmitri Medvedev. D'un membre du tandem au pouvoir, le premier ministre actuel s'est transformé en sorte d'application pour iPhone, de marionnette qui a perdu son influence d'antan sur le chef de l'Etat et sur l'arène politique. De plus en plus, les ministres de son gouvernement sont critiqués par le président. Cependant, le premier ministre pourrait conserver son poste tout en y restant une figure nominale, sans le soutien de la "cour". Après tout, les têtes de ses protégés qui ont adopté une politique plus ou moins libérale tombent les unes derrières les autres.
Le clan des représentants des forces de l’ordre, symbolisé aujourd'hui par Igor Setchine, renforce son influence. Le président de Rosneft marche sans compromis sur les têtes de ses adversaires pour atteindre l'objectif visé : concentrer entre ses mains le pouvoir économique (en accumulant les meilleurs actifs via Rosneft, qu'il dirige) et politique, occupant à terme le "trône" présidentiel. A condition que celui qui cherchait jusqu'à présent à séparer les élites au pouvoir et à équilibrer leur influence le laisse faire.
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