Un demi-siècle durant, la théorie de la géopolitique a été presque interdite. En URSS, on qualifiait cette branche de la science de bourgeoise. À l’Ouest, elle était considérée comme politiquement incorrecte. Dans la nouvelle Russie libérale, une partie des spécialistes s’est également mise à professer les principes du politiquement correct, pendant que les anti-libéraux – les eurasiatiques – se lançaient avec délectation dans la promotion de postulats d’une géopolitique vieille d’un siècle, ce qui a empêché pour de longues années leur retour dans le circuit intellectuel.
J’avais de la peine, moi, pour cette théorie de la géopolitique. D’abord, parce qu’elle a toujours été juste. Et ensuite du fait de son auréole romantique. Elle portait le souvenir des exploits de Dejnev et Yermak, de Lawrence d’Arabie et de Sir Cecil Rhodes. Elle est pleine de merveilleuses citations du type « Qui contrôle le détroit de Bab-el-Mandab (entrée dans la Mer rouge, S.K.), contrôle le monde ». J’avais de la peine pour les générations passées de savants qui disputaient d’une politique mondiale toujours inextricablement dépendante de la géographie.
Il n’y a pas de définition unique de la géopolitique, mais dans son acception la plus globale, il s’agit d’un domaine de la science étudiant les rapports entre la politique extérieure des États et leur environnement géographique, naturel.
L’impopularité de la géopolitique au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle a résulté d’un certain nombre de facteurs.
La géopolitique était perçue comme une théorie nazie. Les fondateurs de son école allemande, et surtout Karl Haushofer, étaient considérés comme les pères de l’idéologie de politique extérieure du hitlérisme avec sa notion d’ « espace vital ».
En Europe, le raisonnement basé sur la théorie, proche de la géopolitique, d’équilibre des forces, où tout le monde doit équilibrer tout le monde, a conduit à des résultats monstrueux. Il en a résulté des centaines de guerres et, au 20ème siècle, les deux guerres mondiales, qui ont anéanti des générations entières.
À l’impopularité de la géopolitique a contribué également l’arme nucléaire, qui fut pour beaucoup dans la mise à mort de la fille de la géopolitique, la géostratégie.
Les révolutions des sciences et des techniques, verte, puis numérique ont réduit les distances, ont accru la production de ressources alimentaires et ont fait baisser la consommation de matières premières et de l’énergie. S’est formée l’illusion de la victoire de l’homme sur la nature et sur l’espace. Les territoires ont commencé d’être considérés comme un actif tendant vers une valeur nulle, et le contrôle dessus comme n’ayant plus de sens. De telles conclusions ont encore été favorisées par la fin sans gloire des empires.
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